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PLOC : l'app des épicuvins PLOC : l'app des épicuvins

Vin livré en cercles, souvenirs en vrac.

Avant que les bouteilles ne s’alignent sagement chez votre caviste, avant que les étiquettes ne jouent de leurs dorures et noms de cuvée charmeurs, il y avait… le cercle.
Pas le cercle privé (quoiqueeeeuh, y’a peut-être un lien à creuser), mais vous voyez, cette ceinture qui maintient les planches des barriques bien serrées.
À cette époque, on trouvait du vin livré en cercles.
Certaines étiquettes portaient la mention, noir sur crème.
Jusqu’au milieu du 20ᵉ siècle, une grande partie du vin français voyageait sans bouchon ni étiquette, en barrique, du domaine jusqu’à l’auberge, au négociant… ou chez les particuliers. Oui, chez vous. Enfin, chez vos parents. Ou grands-parents. Voire arrière-grands-parents.
Bref, c’était jusqu’aux années Yéyé.
La pratique d'une époque révolue (et on n'est pas nostalgiques hein) où le vin était posé sur la table du déjeuner.
Et si cette vieille formule avait de quoi inspirer le futur ?

Un petit voyage dans le temps :
le vin livré en fûts

Depuis que le vin existe (soit depuis forfort longtemps), il a été transporté dans divers contenants adaptés aux besoins de chaque époque.

la livraison de vins de l'Anitquité au 20e siècle

Des amphores aux barriques cerclées, le vin a longtemps voyagé en vrac, à flots ou sur rails.
Avant la star-bouteille, c’était le fût le héros du transit.



– Pendant l'Antiquité : Les amphores en argile étaient couramment utilisées pour transporter le vin en Méditerranée.
– Durent le Moyen Âge et la Renaissance : Les tonneaux en bois, notamment en chêne, ont remplacé les amphores. Plus solides, plus roulants, ils facilitent le transport sur les routes cabossées et les mers agitées.
Dès le 13e siècle, les "Gascons de Londres" font fortune avec la Merchant Wine Tonners of Gascoyne, et les fûts bordelais s’amassent sur les quais. En 1306, c’est l’orgie : 90 000 barriques prennent la mer dans des voiliers vers l'Angleterre.
– À partir de 17e siècle : La bouteille en verre fait son apparition d’abord de manière artisanale et inégale. Longtemps réservée aux élites et aux vins fins (comme les champagnes), elle ne s’impose vraiment qu’au 19e siècle.
– Au 18e siècle : Le commerce Bordeaux-Angleterre explose. Le vin voyage en vrac, toujours dans des fûts, et sera embouteillé à l’arrivée.
On est encore loin des étiquettes léchées.
– Puis au 19e siècle : L'essor du chemin de fer a permis le transport massif du vin en fûts vers des centres urbains comme Paris, où le quartier de Bercy est devenu le plus grand marché de vin au monde (des milliers de tonneaux arrivaient chaque jour par péniche ou train depuis le Languedoc, la vallée du Rhône et même l’Algérie).
– Et enfin depuis le 20e siècle : L'embouteillage à la propriété s'est généralisé (et réglementé avec les AOC). Le vrac résiste dans les cafés, les coopératives et les caves familiales.

Presque dans tous les pays d’Europe, le vin circulait en tonneaux cerclés, sans étiquette ni marketing. Ces cercles, souvent en fer forgé ou en châtaignier, maintenaient les douves serrées (d’où l’expression : « livré en cercles », vous l'avez maintenant ?)

Étiquette Château Mouton-Rothschild 1924 qui inaugure l'embouteillage au Château

L'embouteillage par le producteur est resté marginal jusqu’aux années 1950. Il était principalement effectué par des négociants ou des distributeurs, plutôt que par les producteurs eux-mêmes. Le Château Mouton Rothschild est souvent cité comme un pionnier pour avoir embouteillé 100 % de sa production au château dès 1924.

En France, en Espagne et en Italie par exemple, de nombreux foyers achetaient leur vin en vrac, entre les années 1960 et 1990 : on allait chercher son vin chez un négociant ou une coopérative, parfois livré en barrique ou en "cubi", avec bouchon, entonnoir, bouteilles vides à la cave... et même les étiquettes fournies pour coller dessus, et, pour faire chic, la cire à cacheter.
Une pratique populaire, économique, et fièrement artisanale.
Aujourd'hui, le principe du vino sfuso (vin vendu en vrac), remontant au 15e siècle en Italie, est toujours proposé par certains établissements spécialisés.

On note que les domaines allemands (en Moselle et dans le Rheingau) embouteillaient eux-mêmes leurs vins dès le 18e siècle. Certains domaines (souvent liés à l’État ou à l’Église) souhaitaient garder la main sur leur image et leur vin. Le Schloss Johannisberg, par exemple, sort ses premières "flûtes" (avec bouchon, sceau et étiquette manuscrite) dès les années 1820.


Archives sur le notion de "vin en cercles"

Archives diverses sur la notion et définition du vin en cercles : Archives de l'Assemblée Nationale, Chambres des députés • Dictionnaire Des Synonymes, 1947 • Dictionnaire du Français Vivant, 1976 • Harrap's new shorter French and English dictionary, 1971



Témoignage : 

Dans les années 80, chez nous, on recevait le vin en barrique. C’était comme ça. Mon père s’arrangeait avec deux-trois collègues, un cousin de Lens, et un copain du foot. Une fois l’an, y’avait un gars du Languedoc qui montait avec sa camionnette. Il faisait la tournée : Valenciennes, Sallaumines, Loos. Le type s’appelait Maurice ou quelque chose comme ça. Il descendait la barrique dans le garage. Ensuite, on passait au sérieux. Mon père appelait ça « la mise ». Ça sentait le vin un peu vert, le fût encore humide, la poussière du sol. Ça remplissait au tuyau, à l’embouteilleuse à levier, avec ce “tchouk” des bouchons qu’on enfonçait. On collait des étiquettes fournies avec le vin. "C’est pas du Bordeaux", mon père insistait, mais c’était bon apparemment. Aujourd’hui, j’ai encore deux bouteilles dans ma cave. Je les garde. Va savoir pourquoi.

 — Didier D. 


Le vin en cercles - Du camion à la cave

L'embouteillage domestique était une pratique courante dans de nombreux foyers jusqu’aux années 1990. Cela permettait aux particuliers d’acheter du vin en vrac et de le conditionner eux-mêmes à domicile.



Les avantages… et les limites

 

Cette méthode avait de quoi plaire :
– économique
– robuste
– agile : on remplissait quand on voulait

Mais : 
– le vin était plus exposé à l’oxygène (donc plus fragile)
– la qualité variait
– la traçabilité était quasi inexistante (bonjour les mélanges douteux)

 


Pourquoi le vin a quitté 

les cercles ?

 

Le 20e siècle a fini par refermer la boucle.

Et les trois raisons principales sont :
🔍 Traçabilité : trop de fraudes dans le vin en vrac
💼 Marketing : la bouteille est devenue une vitrine
⚖️ Appellations AOC : exigences strictes sur la mise en bouteille à la propriété

Voilà. C'est fini les tonneaux qui roulent sur les péniches.
Place aux cartons, aux capsules, aux QR codes et aux contre-étiquettes qui racontent et informent.

  

Les cercles n'ont pas dit leur dernier mot

  

On n'est plus sur les mêmes tonneaux mais des initiatives redonnent au principe du vrac ses lettres de noblesse.

On voit (re)fleurir :
– des Bag-in-box et Bag-in-Keg™ (fût KeyKeg) qualitatifs (coucou 👋 Let-it Bib, Les Assembleurs, Pépin.vin)
– des fûts inox consignés avec un système de pompe à vin pour restos et bars (avec nos voisins Belges de La Vinicole Leloup par ex)
– des épiceries où l’on vient remplir sa bouteille vide (chez les partenaires de Jean Bouteille)

C'est :
♻️ écologique : zéro verre, zéro capsule, zéro sur-emballage
🥂 convivial : circuits courts, cubi pour fêter vos dizaines dans la salle des fêtes de Veuchy-les-Mines ou dans les jardins du Millénaire, ça passe partout
💸 économique : moins de packaging, plus de produit

   

   

Peut-on rêver d’un grand cru livré en cercles ?

   

Oh lala, c'est pas si simple.

Les AOP exigent souvent une mise en bouteille sur place (exemple avec l'appellation Champagne qui impose depuis 1994 que le vin soit mis en bouteille sur place, dans sa région d’origine, interdisant tout transport en vrac hors de l’aire de l'AOC)
✅ Mais certains vins de France et IGP s’y prêtent pas mal comme l'IGP Pays d'OC ou Méditerranée.

Comment garder les vins "en vrac" intact une fois chez nous ?


Le vrac, c’est le royaume des vins prêts à boire, pas à attendre.

Les vins en BIB (Bag-in-Box), en cubi ou en vrac, ce sont des vins faits à boire dans l’année pour profiter de leurs arômes vifs et fruités.

Un BIB bien rangé à l’ombre, ça se garde facile 6 à 8 semaines après ouverture.
En cubi ou en bouteille remplie à la pompe, comptez plutôt quelques jours à deux semaines selon la chaleur et le type de bouchage.
En fût inox avec un système hermétique ou sous gaz, c’est un peu plus sérieux : le vin peut tenir plusieurs semaines, voire plus, à condition d’avoir été bien élevé.
En petit tonneau en bois hongrois posé sur la table des convives, c’est mimi, c'est pour le service, le vin s’oxyde plutôt vite : une à deux semaines.

Y'a moyen de trouver une alternative peut-être… 🤔


Et si on revisitait l'idée du vin "en cercles" ?


En 2025, la consigne fait son grand retour en France, notamment dans les Hauts-de-France, où une expérimentation débute le 12 juin 2025.
Cette initiative, portée par l'éco-organisme Citeo, a pour objectif de réintroduire la consigne du verre dans quatre régions du nord-ouest de la France.

Pourquoi ne pas profiter de ce dynamisme pour réinventer le vin "en cercles" ?
Le vin pourrait aujourd'hui être proposé et livré dans des mini-fûts consignés, alliant tradition et modernité.

Imaginons un fût de 5 à 10 litres, prêt à couler pour un anniversaire, un pique-nique ou une soirée.
Avec son robinet ou sa pression manuelle, il sert le vin proprement.

Sur le côté, un QR code gravé vous ouvre une porte vers le vignoble en vidéo, une playlist qui ambiance et même un petit quiz pour terminer en beauté.

Vous notez vos consos, vos impressions, vos souvenirs. Tout ça dans via une mini-app intégrée à votre PLOC.💫


Et quand la fête est finie ?
Le petit fût est repris puis remit en piste.
Vous consignez, vous trinquez, vous rapportez.
Simple comme un cercle.




Pour résumer et conclure…

    

« Vin livré en cercles » = livré en fût/barrique (avant embouteillage local).
Une formule aujourd’hui démodé, peu documentée, et parfois confuse sans le contexte.
Elle reflète une époque où le vin voyageait beaucoup avant la mise en bouteille à la propriété (pratique devenue aujourd’hui un gage de qualité).

Chez PLOC, on aime quand l'ancien raconte le futur.
Quand le désuet est dépoussiéré pour faire jaillir une idée neuve.
« Livré en cercles », ça sonne comme une promesse : celle d’un vin plus personnel, plus durable, pluuuuus… épicuvin !

Quelle coutume oubliée du vin vous plairait si elle revenait au goût du jour ?



    



Sources :

• Cambridge University Press : Wine and France: A Brief History
• Cartographia : Wine and Liquor in a Land of Luxuries
• Clio dans les vignes - Mélanges offerts à Gilbert Garrier, Jean-Luc Mayaud
• https://www.musee-virtuel-vin.fr/de-cave-en-port
• Photos vin en vrac (BIB et fûts) : AdobeStock Editorial